Les viticulteurs québécois perdent leur place dans la section des vins chez IGA, près de trois ans après leur entrée en supermarché. L’enseigne a plutôt décidé de ranger les bouteilles d’ici dans un nouvel emplacement – dont l’espace est restreint – à proximité du comptoir des viandes ou des poissons. Une décision qui nuira aux ventes de vins québécois alors que s’amorce l’une des périodes les plus lucratives de l’année, soutiennent plusieurs producteurs interrogés.
La raison fournie aux vignerons pour justifier ce changement, rapporté jeudi par La Terre de chez nous : le volume de ventes des vins québécois n’était pas suffisant. Une entente a également été conclue avec Julia Wine, entreprise québécoise qui vend du vin en vrac. Déjà présente chez IGA, Julia Wine a ajouté 37 nouveaux produits à son offre dans les supermarchés de la chaîne, pour un total de 51. Ceux-ci sont maintenant regroupés dans la section des vins sous l’enseigne Espace découvertes.
« À la suite de la mise à jour du planogramme des vins, les vins du Québec ne sont plus dans le planogramme officiel », peut-on lire dans le courriel envoyé par IGA en octobre aux viticulteurs, que La Presse a obtenu. « La décision a été prise de retirer les vins du Québec, ainsi qu’un grand nombre de vins importés, pour faire place à notre nouvelle section Espace découvertes. Nous avons tout de même identifié un meuble avec du matériel marketing pour “marchandiser” les vins du Québec. »
« À côté des poissons ? Ça me fait rire », lance Stéphane Lamarre, propriétaire du vignoble Château de cartes, à Dunham, qui vendait ses produits dans une vingtaine de magasins IGA.
As-tu le goût de vendre du vin dans la rangée des poissons ? C’est vraiment de la politique.
Stéphane Lamarre
Selon François-Hugues Lavoie, directeur des opérations au Domaine de Lavoie, le présentoir destiné aux vins québécois ne peut contenir qu’une quarantaine de produits. Ce qui est loin d’être satisfaisant, soutient-il. Son vignoble produit 127 000 bouteilles par an. De ce nombre, 30 000 sont vendues en épicerie. « Ça reste de petits volumes, reconnaît-il. Mais pour nous, quand on vend une caisse en épicerie, c’est important. »
« On est probablement une trentaine de vignobles [à vendre chez IGA] », souligne un producteur qui ne veut pas être nommé par crainte de représailles. « Il n’y a pas de place pour tout le monde [dans le nouveau meuble]. »
Selon lui, ce sont ceux qui affichent les meilleures ventes qui resteront.
Rentabilité en péril
« On a des vignerons qui produisent 7000 bouteilles par année et qui en vendent 2000 en épicerie », souligne Yvan Quirion, président du Conseil des vins du Québec. « [Sur place, dans les vignobles], la saison dure du 23 juin au 4 septembre. C’est avec les épiceries que les gens mettent du pain et du beurre sur la table l’hiver. » M. Quirion rappelle qu’il s’est vendu 117 000 bouteilles de vin québécois dans les grandes surfaces l’an passé.
Du côté de Julia Wine, où l’on s’est fixé comme objectif de vendre chez IGA l’équivalent de 100 000 caisses (1 200 000 bouteilles) au cours de la prochaine année, on assure ne pas avoir agi contre les producteurs québécois. « On n’a pris la place de personne », insiste Éric Beauchamp, cofondateur de l’entreprise.
Ils [IGA] ont pris les moins bons vendeurs sur les tablettes dans leur réseau, et on a remplacé ça par du Julia Wine. On n’était absolument pas au courant de cette stratégie-là.
Éric Beauchamp
Dans les IGA, Julia Wine a placé sur les tablettes des vins blancs, rouges et rosés en provenance notamment de l’Argentine, du Chili, de la France, du Portugal et de l’Espagne. Ils se détaillent entre 9 $ et 13,99 $.
Rappelons que Julia Wine, qui compte plus d’une cinquantaine d’employés, vend également ses produits chez Costco, où 80 % du vin offert dans les magasins du Québec est embouteillé par l’entreprise.
Du côté d’IGA, la porte-parole Anne-Hélène Lavoie insiste pour dire que les vins « ont changé de place », mais qu’ils n’ont pas été abandonnés. « Souvent, ce qui arrive, c’est que les vignobles ne sont pas capables de fournir toute la chaîne. C’est difficile pour nous [de faire savoir] que dans la section du vin, il y a des vins du Québec. Ce qu’on a essayé, c’est de les sortir de là. On va mettre l’accent sur eux. » Concernant l’espace disponible, Mme Lavoie admet qu’« il y a une petite différence », sans toutefois pouvoir la chiffrer. L’enseigne fait-elle donc affaire avec un moins grand nombre de viticulteurs québécois ? « Oui, il y a un peu moins de producteurs », répond-elle.
À noter que, dans la circulaire de cette semaine, ce sont les vins de l’Espace découvertes qui sont mis en valeur.
Metro, prêt à accueillir les vins d’ici
Mis au parfum de la situation, le compétiteur Metro se dit ouvert à accueillir sur ses tablettes un plus grand nombre de produits québécois, assure la chef des communications, Geneviève Grégoire. Une rencontre est d’ailleurs prévue à la fin du mois entre la chaîne et le président du Conseil des vins du Québec. Pour le moment, Metro fait affaire avec 40 producteurs d’ici, pour un total de 150 produits.
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