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Ubisoft face à Vivendi, ou la victoire de David contre Goliath

Clap de fin pour la guerre qui avait mis en émoi le monde du jeu vidéo français depuis octobre 2015. Le groupe de médias de Vincent Bolloré, Vivendi, était monté petit à petit dans le capital d'Ubisoft afin d'en prendre le contrôle contre l'avis de la famille fondatrice Guillemot. Levée de boucliers des développeurs ou salariés, levée de boucliers de personnalités politique et savant savoir-faire en coulisses, Ubisoft a su mettre à profit ses armes face aux volontés de Vivendi, qui a finalement lâché le morceau, cédant ses 27% à la holding familiale Guillemot, à l'entreprise, ainsi qu'au groupe chinois Tencent (5%) et au fonds de pension canadien Ontario Teacher's (3,4%). Richard-Maxime Beaudoux, analyste pour Bryan Garnier, analyse les ressorts de ce feuilleton.

Challenges : Vivendi se retire d'Ubisoft alors qu'il voulait initialement en prendre le contrôle contre l'avis de la famille fondatrice de l'éditeur de jeu vidéo. Peut-on y voir une défaite de Vivendi et une victoire d'Ubisoft ?

Richard-Maxime Beaudoux : Après la dernière assemblée générale d'Ubisoft en septembre, j'étais quasiment sûr que Vivendi allait sortir et qu'Ubisoft avait gagné la bataille. Vivendi n'avait pas les moyens de les acheter avec la hausse du cours de l'action depuis deux ans et demi. S'ils faisaient une OPA hostile, ils prenaient le risque que les développeurs s'en aillent. Pour moi la messe était dite. C'est bien pour Ubisoft, car ils n'ont plus le couperet d'un éventuel rachat et ils peuvent se consacrer en toute liberté à leurs créations.

C'est clairement une victoire importante d'Ubisoft. Ils ont montré après Electronic Arts (20% en 2004) et Vivendi, que David pouvait battre Goliath, deux fois de suite. Un deal hostile peut exister dans le jeu vidéo mobile, comme le rachat de Gameloft par Vivendi. Mais c'est impossible dans les jeux vidéo sur consoles. Les développeurs stars, qui risquent de s'en aller, sont dans les jeux sur consoles, pas dans les jeux mobiles.

In fine Vivendi n’a pas tout perdu: le groupe a acheté les titres pour 794 millions d'euros et les revend 2 milliards d'euros. Soit une belle plus-value de 1,2 milliard d’euros dans l'opération...

Vivendi ne veut pas perdre la face. Bolloré n’aime pas perdre sur les deux tableaux. Il lui fallait prendre la perche. Ils sont actuellement sur des dossiers difficiles (dont Telecom Italia) et sont endettés. Ils ont donc besoin de cash. C’est d'ailleurs Vivendi qui s’est rapproché récemment d’Ubisoft pour conclure cet accord de sortie, pas l’inverse. Vivendi s’engage en plus à ne pas revenir sur l’action durant 5 ans.

Le géant chinois Tencent prend 5%, comment interpréter ce virage stratégique?

Tencent, contrairement à Vivendi, est un spécialiste des jeux vidéo au niveau mondial. Il s'engage d'ailleurs à ne pas monter au capital et à ne pas transférer ses actions. Avec Tencent, Ubisoft va monter puissance en Chine afin d'adapter ses jeux au marché local et avoir l'approbation du gouvernement chinois. Une entreprise occidentale ne peut pas avoir ce fameux «tampon» si elle n'est pas alliée avec une entreprise chinoise.

Que vient faire le fonds de pension canadien Ontario's Teacher qui récupère 3,4% du capital d'Ubisoft?

Ce n'est pas étonnant car à chaque fois que des actionnaires sont sortis de l'entreprise, un acteur canadien avait pris une participation. Lorsque Electronic Arts avait vendu ses parts, le gouvernement canadien était entré au capital. Il ne faut pas oublier qu'Ubisoft est très présent au Canada, avec son plus gros studio à Montréal.

Quid de Gameloft, racheté par Vivendi en partie pour contraindre la famille Guillemot à vendre Ubisoft?

Avant que Vivendi n'arrive, Gameloft a raté la vague de jeux "free to play". Au moment de la restructuration, Vivendi est rentré pour les racheter et ainsi mettre Ubisoft sous pression. Ils sont encore très loin du plan à trois ans qu’ils avaient donné à l'horizon 2018. Les résultats ne sont vraiment pas fameux, très loin des marges d'entreprises du secteur aux États-Unis ou en Asie. Mais cela peut devenir un moyen de diffuser de la publicité via des synergies avec Havas.

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