Le ministre français de l'Économie Bruno Le Maire a demandé mardi à Renault, dont l'État détient 15 %, de mettre immédiatement en place une gouvernance intérimaire puisque « M. Ghosn est aujourd'hui empêché de diriger l'entreprise ». Le conseil d'administration de Renault doit se réunir dans la soirée.
Le conseil d'administration de Nissan se prononcera lui sur le limogeage de son président jeudi matin. Mitsubishi Motors (MMC) entend également le « démettre rapidement ».
Lâché de toutes parts, Carlos Ghosn, qui était considéré à 64 ans comme l'un des plus puissants capitaines d'industrie au monde, est toujours détenu à Tokyo, où il a été arrêté lundi en descendant de son jet privé. Le chef du premier groupe automobile mondial a reçu la visite de l'ambassadeur de France « au titre de la protection consulaire ».
Le parquet japonais reproche au Franco-libano-brésilien d'avoir « conspiré pour minimiser sa rétribution à cinq reprises entre juin 2011 et juin 2015 », en ne déclarant que 4,9 milliards de yens (environ 37 millions d'euros au cours actuel) contre près de 10 milliards de yens sur la période.
Dans une conférence de presse d'une brutalité hors norme, le président exécutif de Nissan, Hiroto Saikawa, a également mentionné lundi « de nombreuses autres malversations, telles que l'utilisation de biens de l'entreprise à des fins personnelles », qui auraient été découvertes après plusieurs mois d'enquête interne.
Selon les médias locaux, une filiale de Nissan a financé l'achat de luxueuses résidences dans quatre pays, propriétés dans lesquelles M. Ghosn se rendait gratuitement à sa guise. Il aurait en outre, selon la chaîne publique NHK, empoché des sommes déclarées au nom d'autres administrateurs.
La rémunération de ce patron aussi puissant que secret a déjà donné lieu à bien des polémiques, tandis que son train de vie a également pu susciter des commentaires, à l'image par exemple de sa réception de mariage en grande pompe au château de Versailles en 2016.
Carlos Ghosn touchait quelque 15 millions d'euros par an au titre de ses diverses fonctions, un montant particulièrement élevé pour un industriel européen ou japonais, bien que très éloigné des faramineux salaires versés par exemple dans la finance aux États-Unis.
Fragile équilibre
Au-delà du sort personnel de M. Ghosn, c'est toute l'alliance Renault-Nissan-Mitsubishi Motors, dont il orchestrait le fragile équilibre, qui tangue suite à ce coup de tonnerre.
Il n'y a qu'à entendre les mots très durs du patron de Nissan, M. Saikawa, contre celui qui fut son mentor, et une figure très respectée au Japon : « C'est un problème que tant d'autorité ait été accordée à une seule personne », a-t-il lâché, dénonçant « le côté obscur de l'ère Ghosn ».
« Il est cupide. À la fin, ce n'est qu'une question d'argent », lançait aussi un responsable de Nissan dans le quotidien Yomiuri. « Il demandait à ses subordonnés de remplir des objectifs difficiles, mais lui-même continuait à percevoir un salaire élevé même quand les activités de Nissan n'allaient pas si bien », ajoute le journal.
L'affaire survient au moment où le PDG de l'ensemble aux 10,6 millions de véhicules travaillait à rendre les liens « irréversibles » entre Renault et Nissan, a commenté dans une note Kentaro Harada, analyste chez SMBC Nikko Securities.
« Nous ne pouvons pas exclure la possibilité que l'alliance se retrouve affaiblie ». « Cela va-t-il changer l'équilibre du pouvoir (entre les parties française et japonaise), c'est la principale question », souligne-t-il.
L'agence de notation Standard & Poor's a d'ailleurs annoncé mardi qu'elle envisageait de baisser la note de la dette à long terme de Nissan, en raison en particulier des doutes autour de ce mariage à trois.
Les actions des constructeurs japonais ont souffert mardi à Tokyo, clôturant en baisse de 5,45 % pour Nissan et de 6,84 % pour MMC.
À Paris, le titre Renault continuait de perdre du terrain à la mi-journée, lâchant un peu plus de 2 % après avoir déjà dévissé de 8,43 % lundi.
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