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L'affaire Ghosn, un «coup d'État» interne fomenté par Nissan ?

Ces derniers mois, le ressentiment perlait dans la presse japonaise, surtout depuis qu'avaient surgi au printemps des rumeurs de fusion du duo original né en 1999, un scénario qui ne plaît pas vraiment au Japon.

Lundi, ces frictions sont apparues au grand jour quand le patron de Nissan, Hiroto Saikawa, a mis en pièces l'héritage de M. Ghosn, actuel président du conseil d'administration, qui a pourtant sauvé le constructeur de la faillite.

Loin des éloges dont a longtemps été couvert le charismatique dirigeant, M. Saikawa a réécrit l'histoire en « décrivant le redressement comme étant le fruit du travail d'un important groupe de personnes », a commenté Christopher Richter, analyste du secteur automobile au sein de la société de courtage CLSA.

Il l'a en outre « qualifié de cerveau de la combine ». « J'ai trouvé ces propos déplacés tant que les faits n'ont pas été complètement établis », dit l'expert.

« Frustration »

Au vu du ton adopté, les tensions remontent cependant à bien plus loin que cette année. « Elles couvaient sous la surface au cours des récentes années et ont enfin éclaté de façon brutale », écrit David Fickling, éditorialiste pour l'agence financière Bloomberg News.

Au point que Hiroto Saikawa a dû répondre à des questions sur un « coup d'État », une opinion partagée par Nobutaka Kazama, professeur à l'université Meiji de Tokyo. « Il a pu être planifié dans l'espoir de rejeter une intégration à l'initiative de Renault ».

« Il semble y avoir une sorte de frustration et des inquiétudes de la direction », explique de son côté M. Richter. « Nissan a des envies d'indépendance », estime-t-il.  

Aux prémices de l'aventure, Nissan, criblé de dettes, faisait figure de maillon faible. Mais la firme renaît vite de ses cendres, au prix de la sévère restructuration sous l'égide du « gourou » Ghosn.  

Si elle a été affaiblie par de récents scandales liés à l'inspection des véhicules au Japon, la société affiche des comptes plutôt solides.

« Sa propre voie »

Chaque année, sa contribution aux résultats du français est significative, ce qui fait grincer des dents chez les employés japonais, agacés de voir les technologies, la production de certains véhicules (comme la petite berline Micra fabriquée en France) et une partie des bénéfices récupérés par Renault, rapportait au fil des ans la presse nippone.

Des reproches repris mardi par le quotidien économique Nikkei, qui ajoutait qu'après des années d'acceptation silencieuse, « il y avait au sein de Nissan des critiques grandissantes sur les rémunérations excessives de M. Ghosn ».

La division s'était accentuée en 2015 après une montée temporaire de l'État français au capital de Renault, une manoeuvre qui avait ravivé l'inquiétude au sein de Nissan, et M. Ghosn s'était justement donné pour mission de solidifier l'alliance.

Renault détient 43 % de Nissan, qui possède quant à lui 15 % du groupe au losange.

« Est-ce que ce bain de sang sera suffisant pour dompter les tensions ? », lance M. Fickling. « Il est évident depuis pas mal de temps que Nissan ne souhaite pas d'un changement qui ne reflèterait pas sa position centrale dans le groupe ».

Dans ce contexte houleux, le nouveau patron de Nissan semble avoir donc sauté sur l'occasion pour s'émanciper d'un encombrant modèle.

« M. Saikawa utilise visiblement les accusations contre M. Ghosn pour accroître son poids sur Nissan et marquer la compagnie de son empreinte », résume Hans Greimel, expert d'Automotive News basé au Japon.

Mitsubishi Motors s'est lui aussi retourné contre celui qui l'a sauvé de la débâcle en 2016 : il a prévu de convoquer rapidement un conseil d'administration afin de démettre Carlos Ghosn de la présidence.

Seul Renault, probablement le plus affecté par l'affaire qui touche son PDG, est pour l'instant resté prudent. Mais même s'il n'est pas poussé vers la sortie, M. Ghosn pourrait avoir du mal à se maintenir à sa tête.

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