Après avoir accumulé entre 2015 et 2018 plus de 56,5 milliards de dollars de déficits budgétaires, le gouvernement libéral prévoit réaliser au cours des quatre prochaines années pour 84 milliards de déficits planifiés additionnels, ajoutant ainsi à la dette publique fédérale un grand total de 140 milliards. Est-ce vraiment nécessaire de gonfler ainsi la dette canadienne alors que l’économie progresse à bonne cadence et n’a visiblement pas besoin de stimuli additionnels ?
Poser la question, c’est y répondre, conclut la plus récente étude du Centre sur la productivité et la prospérité – Fondation Walter J. Somers (CPP) de HEC Montréal, qui est publiée ce mercredi et qui remet en question la pertinence de la stratégie économique et budgétaire du gouvernement fédéral.
Selon le CPP, la volonté annoncée du gouvernement Trudeau d’enregistrer quatre nouvelles années de déficits budgétaires risque d’affecter directement l’équité intergénérationnelle puisque ce sont les futures générations de contribuables qui vont devoir supporter le fardeau des 140 milliards de dettes additionnels que le règne libéral aura produit à terme.
La dette publique fédérale qui résulte des seuls déficits budgétaires s’élève à plus de 685 milliards en 2018-2019 et son poids par rapport au produit intérieur brut canadien est sensiblement le même que celui de 2015.
C’est-à-dire que la croissance économique des quatre dernières années a permis de neutraliser les effets d’un endettement plus grand.
Une autre façon de mesurer le poids de la dette fédérale sur les finances publiques canadiennes est d’évaluer quelle proportion occupe le service de la dette par rapport aux revenus totaux du gouvernement.
Durant les années 90, lorsque les taux d’intérêt étaient plus élevés et que la dette fédérale gonflait à vue d’œil, le service de la dette accaparait 37 % du budget fédéral.
Avec les taux d’intérêt accommodants que l’on connaît et compte tenu que la dette fédérale a été contenue au cours des dernières années, le service de la dette ne représente aujourd’hui que 7 % des dépenses du gouvernement. Ce qui n’en fait plus un enjeu, constate le Centre sur la productivité et la prospérité.
« Mais l’enjeu est que si les conditions économiques se resserrent et qu’une récession comme celle de 2009 frappe, on aura déjà brûlé une bonne partie de notre marge de manœuvre », déplore le professeur Robert Gagné, directeur du CPP et coauteur de l’étude.
Des déficits pour rien
L’équipe de recherche du Centre sur la productivité et la prospérité convient que les déficits des quatre premières années du règne libéral à Ottawa n’ont pas eu d’incidence fâcheuse sur le taux d’endettement canadien et que ces déficits ont même pu contribuer à fouetter l’activité économique qui avait été au ralenti au cours du règne des conservateurs de Stephen Harper.
« Mais continuer à faire des déficits alors que l’activité économique est soutenue ne sert strictement à rien. C’est comme donner des médicaments à quelqu’un qui n’est plus malade. Il y a même un danger que tu affaiblisses ton système immunitaire si une vraie maladie se présente », image le professeur Gagné.
On se rappellera qu’après l’explosion des déficits et de la dette fédérale durant les années 80 et 90, les gouvernements successifs se sont disciplinés pour assainir les finances publiques jusqu’à ce qu’éclate la crise de 2008-2009 et que reprenne le cycle des déficits.
« On a fait un déficit de 50 milliards en 2009. S’il survient une récession, est-ce qu’on va devoir faire un déficit de 100 milliards ? », se questionne l’économiste.
Si tel est le cas, l’équité intergénérationnelle sera effectivement compromise puisque le fossé n’aura fait que se creuser alors que l’on pourrait déjà commencer à prévoir en revenant au moins à l’équilibre budgétaire.
Rajouter 140 milliards de dollars à la dette en raison de déficits accumulés alors qu’on est en pleine période de croissance économique n’est pas très productif, tous en conviendront.
Le Québec représente à cet égard un exemple vertueux pour le reste du pays, comme la Colombie-Britannique d’ailleurs. Ces deux provinces affichent des surplus budgétaires solides qui leur permettent de réaliser bien des projets tout en sachant qu’elles disposeront des marges de manœuvre nécessaires, si jamais la situation se détériore.
Chaque fois qu’Ottawa annonce un nouveau programme ou une nouvelle mesure budgétaire, on a tout de suite le réflexe de se demander de combien de milliards cette nouvelle initiative va creuser le prochain déficit. Ce qui n’est pas très sain en soi.
À cet égard, les chercheurs du Centre sur la productivité et la prospérité ont reçu un petit appui, hier, de la part de la Fédération canadienne des contribuables qui a lancé une pétition pour s’opposer au fait que les Canadiens assument les dépenses associées à la venue au Canada du duc et de la duchesse de Sussex.
On est tous en faveur de la quête d’indépendance financière du couple princier britannique, mais le Canada doit d’abord apprendre à vivre selon ses moyens.
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