(Ottawa) L’agrandissement de l’oléoduc Trans Mountain est un projet qui demeure viable sur le plan économique, soutient le ministre des Finances, Bill Morneau, malgré l’explosion des coûts des travaux de construction, qui bondissent de 7,4 milliards de dollars à 12,6 milliards.
Cette facture revue à la hausse porte donc à près de 17 milliards les investissements totaux qui seront nécessaires pour mener à bien ce projet en y ajoutant les 4,5 milliards déjà déboursés par Ottawa pour acheter l’oléoduc existant de la société américaine Kinder Morgan, en 2018.
Malgré tout, le ministre Morneau soutient que l’expansion du pipeline est dans l’intérêt supérieur du pays. D’une part, elle permettra d’obtenir d’autres débouchés pour les exportations canadiennes de pétrole que le marché américain. D’autre part, elle assurera un prix juste et équitable aux provinces productrices, comme l’Alberta et la Saskatchewan, durement touchées par la crise des prix des ressources naturelles depuis cinq ans.
« Notre gouvernement croit fermement que le Canada devrait obtenir un prix équitable pour ses ressources naturelles », a affirmé vendredi en conférence de presse le ministre Morneau, responsable de ce délicat dossier au sein du cabinet.
Les travaux d’agrandissement de l’oléoduc, qui relie déjà la ville d’Edmonton, en Alberta, à Burnaby, en banlieue de Vancouver, en Colombie-Britannique, ont commencé l’automne dernier. L’agrandissement, qui devrait être terminé à la fin de 2022, doit permettre de tripler la capacité de l’oléoduc.
« À l’heure actuelle, la quasi-totalité de nos exportations d’énergie est destinée aux États-Unis, et les producteurs doivent souvent vendre les ressources à des prix réduits », a expliqué le ministre.
Au cours des dernières années, l’Alberta et la Saskatchewan ont été durement touchées par les pressions sur les prix du pétrole, et il est important que nous fassions les investissements nécessaires pour ouvrir de nouveaux marchés.
Bill Morneau, ministre des Finances
Selon des informations obtenues par La Presse, le gouvernement Trudeau s’attendait dès l’an dernier à ce que la facture grimpe. Il s’attendait toutefois à ce qu’elle frise les 10 milliards de dollars, et non pas les dernières estimations de 12,6 milliards dévoilées vendredi.
« Un projet amélioré »
Le ministre Morneau a rappelé l’intention du gouvernement Trudeau de privatiser le pipeline une fois qu’il sera en service, et qu’Ottawa compte utiliser les revenus qu’il générera pour financer la transition vers une économie plus propre.
Le grand argentier du pays a aussi avancé que le projet d’agrandissement de l’oléoduc « [était] très différent » de celui qu’avait en tête Kinder Morgan, d’où la hausse des coûts. Entre autres, il a affirmé que « des améliorations apportées au chapitre de la sécurité et de la conception [avaient] permis d’atteindre une norme plus élevée de protection de l’environnement ».
En outre, le projet prévoit davantage d’emplois syndiqués en Colombie-Britannique et en Alberta. « Il s’agit maintenant d’un projet amélioré, qui progresse correctement. »
Le président et chef de la direction de Trans Mountain, Ian Anderson, a publié vendredi les dernières estimations des coûts des travaux d’agrandissement du pipeline. Il a expliqué que l’augmentation était en partie imputable à la décision de la Cour d’appel fédérale rendue en août 2018 qui annulait le décret du cabinet autorisant l’expansion de l’oléoduc et forçait le gouvernement fédéral à refaire ses devoirs.
Le jugement décrétait que le gouvernement Trudeau avait manqué à ses obligations de consulter adéquatement les communautés autochtones et avait omis d’évaluer les effets environnementaux sur la population d’épaulards au large des côtes de Vancouver. L’Office national de l’énergie a donc été mandatée de revoir le projet en tenant compte des remontrances des tribunaux, ce qui a pris presque six mois, et le gouvernement Trudeau a de nouveau approuvé le projet en juin dernier.
Selon M. Anderson, Trans Mountain a dépensé 2,5 milliards jusqu’ici pour le projet. Il faudra investir 8,4 milliards de plus pour le terminer et prévoir une somme de 1,7 milliard en frais financiers.
M. Anderson a aussi invité Ottawa, en tant que propriétaire et prêteur, à mettre de côté « une réserve supplémentaire de 600 millions pour les incidences financières qui échappent au contrôle de Trans Mountain ».
L’opposition outrée
Aux Communes, les partis de l’opposition ont décrié la nouvelle facture du projet.
Le Parti conservateur a affirmé que le gouvernement Trudeau aurait dû créer les conditions pour permettre au secteur privé de construire l’oléoduc au lieu de procéder à sa « nationalisation ».
« Tout était en place avec le secteur privé, qui n’a jamais demandé d’être nationalisé. Maintenant, ce sont les contribuables qui sont pris avec la patate chaude », a pesté le député conservateur Gérard Deltell.
« Nous disons depuis le début que ce projet n’aurait jamais dû aller de l’avant », a lancé Peter Julian, député du Nouveau Parti démocratique de la Colombie-Britannique.
La députée bloquiste Christine Normandin a accusé le gouvernement Trudeau d’avoir « détroussé » les contribuables de plus de 17 milliards « pour polluer la planète » et dit que la réalisation de ce projet rendra presque impossible l’atteinte de la carboneutralité en 2050.
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