Les Québécois sont devenus des ardents défenseurs de l'environnement, mais ils tardent à adapter leur comportement à leur discours. Ils achètent toujours plus de voitures, et des voitures plus grosses, et ils habitent des maisons de plus en plus grandes.
Le paradoxe ressort encore une fois cette année dans le portrait énergétique du Québec réalisé par la Chaire de gestion du secteur de l'énergie de HEC Montréal.
Pierre-Olivier Pineau, professeur et titulaire de la chaire, trouve particulièrement décourageante la propension des Québécois à acheter des véhicules à essence toujours plus gros. Même si on observe un ralentissement dans la croissance des ventes de camions et de VUS, la tendance n'est pas près de s'inverser, souligne-t-il lors d'un entretien avec La Presse. « J'ose croire que les hausses des taux d'intérêt vont finir par freiner le mouvement. »
Les ventes de camions dépassent les ventes de voitures depuis 2015 au Québec. La consommation d'essence a suivi et a atteint un niveau inégalé en 2017, à 9,7 milliards de litres. Entre 2013 et 2017, les ventes d'essence ont crû de 12,7 %.
La croissance des ventes de produits pétroliers compromet l'atteinte des cibles de réduction des gaz à effet de serre fixées par le gouvernement, constate le document.
Des mesures incitatives seront nécessaires pour décourager l'utilisation de la voiture privée, selon Pierre-Olivier Pineau. « Pour éviter des crises comme celle des gilets jaunes en France, il ne faut pas y aller seulement avec le bâton, précise-t-il. Ça peut être autre chose que des hausses de taxes sur l'essence, comme des laissez-passer d'autobus gratuits dans les villes ou des bons de taxi offerts aux familles dans les régions. »
La version 2019 de l'État de l'énergie, qui a été réalisée avec le soutien financier de Transition énergétique Québec, révèle des tendances plus encourageantes, par exemple du côté de la bourse du carbone. « Après la sortie de l'Ontario en juillet, les prix des droits d'émission ont continué à augmenter, souligne le professeur Pineau. Ça veut dire que le départ de l'Ontario n'a pas diminué la confiance dans le Système de plafonnement et d'échange de droits d'émissions », se réjouit-il.
Grands consommateurs
Les Québécois consomment beaucoup d'énergie. Exprimée en gigajoules par habitant, la consommation du Québec vient immédiatement après celle des États-Unis. Le Québec consomme plus d'énergie que l'Allemagne, la Norvège et la Suède, des pays qui ont un climat et une structure industrielle comparables. La plus grande partie de l'énergie consommée, soit 57 %, provient des hydrocarbures et le reste, soit 44 %, est de source renouvelable, surtout de l'électricité.
Des maisons plus grandes
Entre 1990 et 2016, le nombre de logements a augmenté plus rapidement que le nombre d'habitants. Les Québécois habitent des logements de plus en plus grands, dont la superficie moyenne s'est accrue de 17 %. Le chauffage de l'espace représente 64 % de la consommation d'énergie totale d'une maison.
Des économies ignorées
Le Québec pourrait faire plus en matière d'efficacité énergétique, avec des moyens simples et déjà disponibles. Ces économies d'énergie ont été estimées à 22 % de la consommation d'électricité et à 13 % de la consommation de gaz naturel. Le potentiel annuel d'économie d'énergie dans le secteur pétrolier pour le transport est estimé à 24 % de la demande annuelle. Vu autrement, c'est 54 % de l'énergie totale consommée en 2016 qui n'a apporté aucune valeur ajoutée à l'économie.
Le défi des voitures électriques
Si le nombre de véhicules électriques se multiplie comme le souhaite le gouvernement, la gestion de la pointe d'hiver sera encore plus compliquée pour Hydro-Québec. Avec 2 millions de véhicules électriques en 2030, la demande de pointe augmenterait de 2000 MW, ce qui est supérieur à la capacité de La Romaine (1550 MW). La solution passe par les nouvelles technologies de gestion de la consommation et des tarifs diversifiés selon la période de la journée.
Plus de pétrole et de gaz américains
Le Québec importe de moins en moins de pétrole de l'étranger. En 2018, 53 % du pétrole consommé par les Québécois provenait de l'Ouest canadien et 40 %, des États-Unis. Le reste provenait de l'Algérie. L'approvisionnement en gaz naturel a aussi changé. Le distributeur québécois Énergir s'approvisionne principalement au carrefour de Dawn, en Ontario, où arrive le gaz de schiste américain.
> Cliquez ici pour consulter l'édition 2019 de l'État de l'énergie
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