Les bons et les moins bons coups de l’ère Sabia
Mars 2009
1. Nomination dans la controverse
Arrivé dans la foulée des pertes de 40 milliards, Michael Sabia, grand commis de l’État avant de devenir gestionnaire de grandes sociétés comme BCE, est nommé dans la controverse. Anglophone originaire de Toronto, M. Sabia n’est pas un financier de carrière et son passage chez BCE n’a pas impressionné outre mesure. Qui plus est, le processus ayant mené à sa nomination n’est pas limpide. En réaction, le principal intéressé renonce rapidement à son régime de retraite et à une indemnité de départ. Il dit aussi non aux bonis de performance pour les deux premières années.
Mai 2009
2. Roland Lescure et Action Qualité mondiale
Nomination du Français Roland Lescure comme chef des placements en mai 2009. On lui attribue la paternité du portefeuille Action Qualité mondiale, portefeuille à la Warren Buffett de titres de grandes capitalisations qui versent des dividendes croissants dont on entendra parler à compter de janvier 2013. M. Lescure partira en avril 2017 pour se joindre à la campagne d’Emmanuel Macron.
Août 2009
3. Resserrement de la gestion du risque
Michael Sabia consent à dévoiler les résultats de l’institution sur une base semestrielle, une première. Du même souffle, il annonce un resserrement de la gestion du risque en s’éloignant des outils quantitatifs ainsi qu’en minimisant le recours à l’effet de levier. La Caisse se recentre sur les véhicules financiers transparents qu’elle maîtrise en profondeur, annonce-t-il. « Après la crise de 2008, la Caisse avait besoin de quelqu’un qui allait rétablir une rigueur et une structure à la Caisse », dit Robert Pouliot, chargé de cours en finance à l’UQAM et spécialiste de l’évaluation du risque fiduciaire. « Sabia était probablement la bonne personne à choisir après la crise. »
Novembre 2009
4. Le choix du Québec
Contrairement à son prédécesseur qui voulait se débarrasser du double mandat de la Caisse, M. Sabia veut faire du rendement en investissant au Québec, annonce-t-il assez tôt dans son mandat. « Il a augmenté l’investissement de la Caisse au Québec. C’est à son crédit », souligne Mario Pelletier, auteur de La Caisse dans tous ses états, sur l’impact de la crise financière sur l’institution québécoise. L’actif de la Caisse au Québec est passé de 33,4 milliards en mars 2009 à 63,8 milliards au 31 décembre dernier. Elle investira 1 milliard dans CGI en juin 2012 ; Genivar, SNC-Lavalin, Agropur, Bombardier Transport et bien d’autres suivront par la suite.
Novembre 2011
5. Uniformisation et anglicisation de l’équipe immobilière
La réunification des filiales immobilières sous le chapeau d’Ivanhoé Cambridge à l’été 2011 a une conséquence imprévue. Son principal dirigeant est unilingue anglais. La nouvelle ébranle l’institution phare de la Révolution tranquille. Kim McInnes finira par quitter l’organisation moins d’un an plus tard. Le grand patron de l’immobilier à la Caisse, Daniel Fournier, ne subira aucune conséquence de ce faux pas. Il restera dans les bonnes grâces de Michael Sabia jusqu’à sa retraite en octobre dernier, même si le portefeuille Immeubles de la Caisse parvient rarement à battre son indice de référence, même sur de longues périodes. L’écart négatif atteint presque 1 point de pourcentage sur 5 ans, entre 2013 et 2018.
Juin 2012
6. Virage vers les actifs non liquides
M. Sabia indique publiquement qu’il privilégiera les investissements dans les placements privés, l’immobilier et les infrastructures. Il tiendra parole. En 2018, le portefeuille Placements privés a atteint 42,9 milliards, soit plus du double de son actif d’il y a cinq ans. Le portefeuille Infrastructures, de son côté, a bondi de 15 milliards depuis 2013 et l’actif a atteint 22,7 milliards.
Été 2012
7. La saga Rona
En précampagne électorale provinciale, la Caisse réinvestit dans Rona pour contrecarrer l’offre publique d’achat hostile de l’américaine Lowe’s sur le quincaillier. M. Sabia pèsera ensuite lourd dans le congédiement du PDG de Rona Robert Dutton. Rona sera finalement vendu à Lowe’s en février 2016. Plus de trois ans plus tard, les résultats canadiens de Lowe’s vont de mal en pis et le siège social canadien se vide de sa substance. « J’aurais pris la même décision, confie Richard Guay, ancien PDG de la Caisse. Ça n’allait nulle part, et quelqu’un arrive en offrant 100 % de rendement. Les sommes recueillies vont peut-être servir à aider SNC-Lavalin ou Bombardier. »
Juillet 2012
8. Place aux femmes
Michèle Boisvert, directrice de la section Affaires de La Presse, est nommée au comité de direction de la Caisse. À l’arrivée en poste de Michael Sabia, les femmes pourvoyaient 17 % des postes du comité de direction ; aujourd’hui, elles représentent 31 % de ses membres, soit 5 postes sur 16. Dans une causerie, mardi midi, Nathalie Palladitcheff, présidente et cheffe de la direction d’Ivanhoé Cambridge, a eu ces mots : « Michael Sabia, c’est quelqu’un de très important pour moi. C’est une des raisons pourquoi je suis là aujourd’hui. »
Février 2014
9. Cimenterie McInnis
La mise de fonds de 100 millions de la Caisse passera à 140 millions en juin 2016, puis à 265 millions en août de la même année. Le gestionnaire d’actifs de caisses de retraite est ainsi devenu l’actionnaire de contrôle d’une cimenterie, à la rentabilité incertaine étant donné les dépassements de coûts de 450 millions qu’a entraînés sa construction.
Juin 2014
10. Le retour à l’international
Henri-Paul Rousseau avait fermé les bureaux de la Caisse à l’étranger, Sabia les a rouverts. Après avoir solidifié ses fondations et s’être trempé l’orteil dans les marchés émergents, la Caisse lance une véritable opération d’internationalisation pour « aller chercher le rendement là où il se trouve », selon M. Sabia. « Rendue à une telle somme d’argent à gérer, il fallait élargir la palette des investissements autant sur le plan des produits qu’au plan géographique », soutient le professeur Luc Bernier, titulaire de la Chaire Jarislowsky sur la gestion dans le secteur public de l’Université d’Ottawa. La contrepartie de cette stratégie est une hausse des coûts d’exploitation.
Janvier 2015
11. Le REM
Québec et la Caisse annoncent pour la première fois leur intention de collaborer pour la construction de projets de transports en commun à Montréal. C’est le premier pas dans un parcours qui mènera à la création de CDPQ Infra en juillet 2015, puis au dévoilement du projet du Réseau express métropolitain (REM) en avril 2016.
Mai 2015
12. Un legs
Pour célébrer le 50e anniversaire de la Caisse, M. Sabia inaugure à Place Ville Marie l’Espace CDPQ, où sont regroupés des gestionnaires de la Caisse et des organismes d’aide aux entrepreneurs, avec pour objectif d’aider des entreprises québécoises de toutes les tailles et de tous les secteurs à faire le saut à l’international.
Avril 2017
13. Des gestionnaires à l’étranger
Dans le cadre de ses efforts d’internationalisation, la Caisse embauche Stéphane Etroy à titre de chef des placements privés. Celui-ci est en poste à Londres. Deux autres hauts gestionnaires établis à l’étranger seront embauchés dans les mois suivants, une première qui suscite des interrogations, puisqu’elle éloigne d’importantes décisions de Montréal.
Octobre 2017
14. Décarbonisation
Critiquée pour ses investissements dans les énergies fossiles, y compris dans les sables bitumineux, dès 2012, la Caisse de dépôt fait amende honorable. Michael Sabia dévoile une nouvelle stratégie pour faire face aux changements climatiques. « Vous allez voir des changements très importants dans la composition de notre portefeuille, promet-il. […] Nous avons toujours fait le rapport risque-rendement. Dorénavant, nous allons faire une analyse triangulaire risque-rendement-climat. C’est un gros changement. »
Février 2019
15. Le scandale Otéra
Quatre personnes de la filiale immobilière Otéra Capital, dont le président Alfonso Graceffa, sont mis en cause par Le Journal de Montréal pour des transactions douteuses ou des liens avec un prêteur lié au crime organisé. Elles finiront par être congédiées au terme d’une enquête interne de 5 millions qui n’a cependant relevé aucune fraude.
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