Arrêté et mis en examen par la justice de Polynésie française pour « complicité de culture, détention et usage de cannabis », le milliardaire Guy Laliberté risque théoriquement jusqu’à un an de prison pour avoir fait pousser de la marijuana dans l’île de Nukutepipi, son atoll privé du Pacifique.
« Nous réitérons le fait qu’aucune accusation de trafic n’est retenue contre lui. Il est sorti libre du cabinet du juge sans aucune restriction ce mercredi, le 13 novembre à 14 h 30, heure de Tahiti », a affirmé son entreprise, Lune Rouge, dans une déclaration transmise en soirée.
« L’importance démesurée accordée à ce dossier, qui est généralement banalisé pour quelqu’un ayant été en possession de quelques plants de cannabis à des fins personnelles, m’étonne grandement, a affirmé M. Laliberté dans sa déclaration. Dans un tout autre ordre d’esprit, je tiens à souligner que les gendarmes de Faa’a ont été très respectueux, courtois et humains à mon égard, ce qui a été un baume dans toute cette mésaventure. Évidemment, je continuerai à collaborer avec les autorités judiciaires de la Polynésie. »
L’arrestation du cofondateur du Cirque du Soleil, survenue mardi à sa descente d’avion, illustre la sévérité avec laquelle la France traite encore le cannabis. La Polynésie française, un de ses territoires d’outre-mer, applique la loi pénale de France pour la plupart des délits criminels. Le cannabis y est appelé « pakalolo » par la population locale.
Il y a des risques importants [pour M. Laliberté]. La consommation de cannabis, c’est assimilé en Polynésie française à la consommation de n’importe quel autre stupéfiant : c’est un an de prison qui est encouru.
Thibaud Millet, avocat polynésien joint au téléphone
« C’est un risque très théorique », nuance-t-il toutefois. Dans les faits, il risque d’écoper d’une simple amende et d’une peine avec sursis s’il est reconnu coupable de consommation à des fins personnelles. « C’est simplement un avertissement », commente le juriste.
Le cannabis est très consommé et largement cultivé en Polynésie, selon Me Millet, malgré la sévérité du système de justice. L’avocat a lui-même récemment défendu les propriétaires d’un commerce polynésien qui sont tombés dans la ligne de mire des autorités policières pour avoir vendu des graines de cannabis. Ces graines y sont considérées comme des « substances vénéneuses » par les autorités, mais l’avocat a réussi à faire tomber une partie des accusations en démontrant qu’elles ne contiennent aucune molécule psychoactive.
En garde à vue
On connaît pour le moment très peu de détails sur les faits qui sont reprochés à Guy Laliberté. Le milliardaire québécois se trouvait mercredi en garde à vue à la Gendarmerie de Polynésie française, à Papeete, chef-lieu du territoire situé dans l’île de Tahiti. En droit français, la garde à vue s’apparente à une détention aux fins d’interrogatoire, pendant laquelle les enquêteurs peuvent questionner le suspect à plusieurs reprises. Sa durée est limitée à 96 heures, mais s’arrête généralement après 48 heures.
Les policiers ont dit à l’AFP avoir découvert un certain nombre de plants de cannabis qui poussaient dans un conteneur verrouillé à clé dans son île privée de Nukutepipi.
Cette île accueille des touristes fortunés de partout dans le monde, qui paient près de 200 000 $ par semaine pour y séjourner. Le célèbre chanteur de U2, Bono, s’y trouvait notamment la semaine dernière, a affirmé la station de radio locale Polynésie la 1ère, sur sa page Facebook.
Les policiers auraient bâti leur enquête en se basant, entre autres, sur des photos de plants de cannabis trouvés sur le téléphone portable d’un proche de M. Laliberté interpellé il y a quelques semaines. « À Nukutepipi, tout le monde le sait », a affirmé sous le couvert de l’anonymat à l’Agence France-Presse un des 120 employés de l’atoll, qui a fait état de « plusieurs dizaines de plants de paka » présents dans l’île.
À travers son entreprise Lune Rouge, M. Laliberté est actionnaire du producteur de cannabis médicinal canadien 48North, une entreprise qui compte aussi parmi ses administrateurs l’ancien ministre canadien de la Justice Martin Cauchon. M. Laliberté n’a cependant pas de rôle actif au sein de l’entreprise, a affirmé hier un porte-parole de 48North, qui a préféré ne faire aucun commentaire.
Pas d’impact sur Lune Rouge
Lune Rouge a indiqué que toutes ses activités et celles de ses filiales se poursuivaient comme prévu. Cela dit, l’installation de la pyramide (PY1) à Miami prévue le 29 novembre à Island Gardens pour marquer l’ouverture de l’événement Art Basel a été reportée. « Nous avons eu des contraintes logistiques qui nous ont empêchés d’être à temps pour l’ouverture d’Art Basel ou pour les fêtes de fin d’année. Nous avons donc dû reporter notre venue sur le marché de Miami », a confirmé Céline Payelle, directrice exécutive, communication et marketing, pour Lune Rouge Entertainment. Lune Rouge espérait monter sa pyramide afin d’y présenter son spectacle multimédia Au-delà des échos (Through the Echoes) – lancé à Montréal l’été dernier. Ce délai n’a aucun lien avec l’arrestation de Guy Laliberté, a assuré Mme Payelle.
Le président et chef de la direction du Cirque du Soleil, Daniel Lamarre, proche collaborateur de Guy Laliberté depuis près de 20 ans, n’a pas voulu commenter l’affaire. Il se trouvait à Las Vegas pour le lancement officiel du spectacle R.U.N., qui débute officiellement jeudi soir à l’hôtel-casino Luxor. Les deux hommes continuent de travailler ensemble, Guy Laliberté détenant toujours 10 % des parts du Cirque, qu’il a cofondé.
Affaires mondiales Canada a affirmé en soirée mercredi être « au courant de rapports selon lesquels un citoyen est détenu en Polynésie française ». « Les agents consulaires sont en contact avec les autorités locales pour recueillir de l’information supplémentaire », a indiqué la porte-parole Angela Savard par courriel.
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