Retrait des USA de l'accord iranien : quelles conséquences pour les entreprises ?
Donald Trump a annoncé le retrait pur et simple des États-Unis de l’accord sur le nucléaire iranien avec un retour de toutes les sanctions, mardi.
Que signifie ce retrait ?
Concrètement, le président américain a choisi l’option la plus radicale : toutes les sanctions levées en contrepartie de l’engagement pris par la République islamique de ne pas se doter de l’arme nucléaire sont rétablies. "Immédiatement" pour les nouveaux contrats, et d’ici le 6 août ou le 4 novembre pour les entreprises, y compris étrangères, déjà présentes en Iran, qui ont donc trois à six mois pour en "sortir" avant d’être frappées par les mesures punitives leur barrant l’accès aux marchés américains.
"Tout pays qui aidera l’Iran dans sa quête d’armes nucléaires pourrait aussi être fortement sanctionné par les États-Unis", a mis en garde Donald Trump. Son conseiller à la sécurité nationale John Bolton a même laissé planer la menace de "sanctions supplémentaires".
Autrement dit, il sera très risqué pour une entreprise européenne de maintenir ses investissements en Iran. Cela devrait compliquer la tâche des signataires européens de l’accord de 2015, qui espèrent encore sauver les meubles.
Quelles entreprises sont concernées ?
Boeing et Iran Air, la compagnie nationale, avaient signé en décembre 2016 leur plus gros contrat depuis près de 40 ans, portant sur l’achat de 80 appareils d’une valeur de 16,6 milliards de dollars. Mais la livraison des premiers appareils, qui était prévue pour fin 2018, avait été reportée avant l’annonce de mardi.
L’avionneur américain avait également finalisé un contrat d’une valeur de 3 milliards de dollars portant sur la vente de 30 appareils à la compagnie aérienne iranienne Aseman. La livraison était prévue entre 2022 et 2024. Boeing avait alors indiqué que ces contrats allaient permettre de soutenir des "dizaines de milliers" d’emplois aux États-Unis mais a déclaré mardi qu’il se conformera à la décision de la Maison Blanche de rétablir les sanctions.
Un A320neo, de l’avionneur européen Airbus
Crédit photo : ERIC CABANIS AFP or licensors
De son côté, Airbus a enregistré des commandes de compagnies aériennes iraniennes pour 100 avions au total, dont des A320neo, valorisés à près de 10 milliards de dollars. L’avionneur européen a des usines aux États-Unis, et un nombre important de pièces installées dans ses appareils sont fabriquées sur le sol américain, ce qui le soumet automatiquement aux sanctions américaines.
La major pétrolière française Total, associée au groupe chinois CNPC, a signé un accord portant sur un investissement de 5 milliards de dollars pour exploiter le gisement South Pars mais avait prévenu que le maintien de cet accord dépendait de la position de Washington sur le nucléaire iranien.
Total avait signé avec la compagnie nationale iranienne un contrat portant sur le développement et la production de la phase 11 de South Pars, le plus grand gisement de gaz naturel au monde
Crédit photo : BEHROUZ MEHRI
Pour General Electric, plusieurs de ses filiales installées hors des États-Unis ont reçu des contrats totalisant des dizaines de millions de dollars pour l’exploitation des gisements gaziers et le développement des produits pétrochimiques.
Le groupe automobile allemand Volkswagen a annoncé en 2017 qu’il allait recommencer à vendre des voitures en Iran, une première depuis 17 ans, mais pourrait maintenant se voir obligé de choisir entre l’Iran et les États-Unis, deuxième marché automobile mondial où il est fortement implanté.
Le français Renault, qui a vendu plus de 160 000 voitures en Iran l’an dernier, pourrait aussi être touché en raison de la présence aux États-Unis de Nissan.
Des techniciens iraniens travaillant sur une Renault Logan à l’usine automobile Iran Khodro, à l’ouest de Téhéran, en 2007
Crédit photo : BEHROUZ MEHRI
Son compatriote PSA est déjà particulièrement bien implanté en Iran où il a une part de marché de 30%. Absent des États-Unis depuis 1991, PSA a indiqué en janvier songer à lancer un service d’autopartage dans une ou deux villes américaines auquel il pourrait devoir renoncer.
Les compagnies aériennes British Airways et Lufthansa, qui avaient repris des vols directs vers Téhéran, vont devoir mettre fin à ces lignes si elles veulent continuer à opérer librement des vols transatlantiques.
Il en va de même pour l’hôtelier français Accor, qui a ouvert un hôtel en Iran en 2015, de la chaîne espagnole Melia Hotels International et du groupe émirati Rotana Hotels, qui ont fait part de leurs projets de s’implanter en Iran.
Quelle réaction de l’Europe ?
Les ministres français, britannique et allemand des Affaires étrangères rencontreront lundi des représentants de Téhéran pour voir comment préserver l’accord sur le nucléaire iranien, a annoncé le chef de la diplomatie française, Jean-Yves Le Drian.
Les États-Unis, "gendarmes économiques de la planète" ? "Ce n’est pas une situation acceptable"
Le ministre de l’Économie français, Bruno Le Maire, a jugé ce mercredi matin sur France Culture que le retrait américain de l’accord nucléaire était "une erreur" pour la sécurité internationale mais aussi du point de vue économique. Les États-Unis, "gendarmes économiques de la planète" ? "Ce n’est pas une situation acceptable", a dénoncé le ministre de l’Économie Bruno Le Maire.
"Il n’est pas acceptable que les Etats-Unis soient le gendarme économique de la planète" lance @BrunoLeMaire sur @franceculture. Le ministre appellera le secrétaire au Trésor US et discutera d’éventuelles "exemptions" pour les entreprises européennes. #IranNuclearDeal#Iranpic.twitter.com/M2M0ChXqNh
"En deux ans, la France avait multiplié par trois son excédent commercial avec l’Iran", a-t-il précisé.
Le ministre a annoncé qu’il aurait "un entretien téléphonique d’ici la fin de la semaine avec le secrétaire au Trésor américain Steve Mnuchin pour étudier avec lui quelles sont les possibilités" pour éviter ces sanctions. Par ailleurs, il a indiqué qu’il allait "parler avec ses homologues européens (…) pour voir quelle réaction nous pouvons avoir face à ces sanctions".
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