La partie de poker touche à sa fin. Après six mois de négociations serrées, le dossier Photonis va connaître son épilogue dans les jours qui viennent. Les ministères des Armées et de l'Économie doivent en effet dire d'ici à la fin juillet s'ils valident ou non le rachat de la pépite Photonis, leader mondial dans la technologie de vision nocturne et fournisseur de l'armée française, par la société californienne Teledyne. "On est dans le money time, cela va se jouer à Brienne (siège du ministère des Armées, Ndlr) et à l'Élysée puisque Bercy est favorable à la vente" indique une source gouvernementale.
Le ministère de l'Économie qui a sans succès invité début mars Thales et Safran à entrer dans la danse, puis notifié oralement fin mars à Teledyne son refus d'autoriser cette cession, a depuis mis en avant un dispositif institué par la loi Pacte, qui permettrait au géant américain de mettre la main sur la PME française sans pour autant avoir accès à ses informations les plus sensibles. Comme l'ont écrit Les Échos, ce système s'appuierait sur un "comité de sécurité", lequel aurait la charge de filtrer la remontée de ces données stratégiques vers Teledyne. "Cela fonctionne comme un conseil d'administration avec des représentants de l'État dotés de pouvoirs élargis, poursuit la même source gouvernementale. Ils peuvent par exemple avoir un droit de veto ou être les seuls à gérer l'information confidentielle, cela dans le but de protéger l'innovation et la R&D". Selon nos informations, le gouvernement étudie actuellement la mise en place d'un tel comité avec à son bord sept personnes: trois issues de la Direction générale des l'armement (DGA), de l'état-major des armées et de Bercy, et quatre de Teledyne.
L'exemple du Proxy board américain
Ce système, qui comprend aussi la mise en place de zones protégées dans les murs de l'entreprise ("french eyes only"), est une version, un brin plus light, du Proxy board américain que pilote le tout-puissant Comité des investissements étrangers (CFIUS). La filiale américaine de Photonis qui fabrique des composants radars pour les avions de surveillance maritime de la Navy, y est d'ailleurs assujettie. Elle compte à son board, deux généraux et un représentant du département du commerce. Et plusieurs zones du site de Lancaster en Pennsylvanie sont interdites aux yeux et oreilles étrangères.
Reste que, malgré ces réflexions, rien ne semble encore véritablement joué dans ce dossier rendu d'autant plus explosif après la crise sanitaire et les déclarations de l'exécutif en matière de souveraineté. "L'Élysée suit le sujet avec attention car voir Photonis passer sous pavillon américain ne serait pas un signal très heureux, juge une source proche du dossier. Le problème est que la solution française qu'aurait pu porter Thales et Safran a fait long feu. Aujourd'hui, on sent se dégager un léger consensus autour de cette vente encadrée à Teledyne. Bercy et la DGA ne s'y opposent plus mais le cabinet de Florence Parly émet encore des réserves".
Teledyne fait le forcing
La ministre des Armées, au diapason de la Direction du renseignement et de la sécurité de la défense (DRSD), qui comme l'a déjà écrit Challenges a tiré la sonnette d'alarme avant la mise en vente de Photonis à l'automne 2019 par le fonds Ardian, a fixé ces derniers mois de nombreuses conditions à un éventuel rachat par Teledyne. L'idée que le groupe américain ne reprenne pas l'activité de composants nucléaires qui équipent les sous-marins tricolores du "programme Barracuda" a par exemple été mise en avant par Brienne. "Le but était surtout de voir comment allait réagir Teledyne, mais cette hypothèse n'est aujourd'hui plus sur la table" ajoute le même familier de cette vente.
La ligne dure défendue par la ministre des Armées n'a en tout cas pas calmé l'appétit du mastodonte américain pour le fleuron français basé à Brive-la-Gaillarde. En mai, quelques semaines après le veto gouvernemental, les dirigeants de Teledyne ont ainsi notifié par écrit à Bercy et Brienne plusieurs engagements. Ils ont notamment soutenu qu'ils allaient doubler les investissements en R&D, les faisant passer de 3,5 à 7%, que ce rachat n'entraînerait aucun versement de dividendes aux actionnaires de Teledyne et qu'ils s'engageaient à ne supprimer aucun des 500 postes du site de Brive-la-Gaillarde dans les cinq ans. Teledyne, qui est entré en négociations exclusives avec Ardian en février, devançant de justesse un industriel américain spécialisé dans les capteurs et un fonds anglais, propose 500 millions d'euros pour acquérir le spécialiste des lunettes de vision nocturne qu'utilisent la plupart des forces spéciales de l'Otan.
July 17, 2020 at 04:47PM
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Vente de la pépite Photonis: ultimes tractations au sommet de l'État - Challenges
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