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17 milliards à 100 000 victimes du tabagisme - Le Devoir

Après vingt ans à déployer les grands moyens pour faire rejeter les recours qui les visent, les trois géants du tabac au Canada devront verser environ 17 milliards de dollars en dommages et intérêts à quelque 100 000 Québécois ayant souffert des ravages de la cigarette, a tranché vendredi la Cour d’appel du Québec.

Lancée en 1998 par Jean-Yves Blais et Cécilia Létourneau, cette action collective avait bel et bien sa raison d’être, a confirmé vendredi le plus haut tribunal de la province.

« Je suis très heureuse du jugement. Je suis également triste que mon mari n’ait pas pu savourer cette victoire, puisqu’il est mort à cause des cachettes et de la malhonnêteté des compagnies de tabac », a mentionné Lise Blais, veuve de M. Blais.

L’instigateur de l’action est décédé en 2012, quelques mois avant le début du procès tant attendu. L’homme avait commencé à fumer à 10 ans, en 1954. Il brûlait en moyenne 50 cigarettes par jour. En 1997, il a été frappé par le cancer du poumon.

Après deux décennies de procédures judiciaires, la Cour d’appel est venue confirmer la décision du juge Brian Riordan de la Cour supérieure.

« [Les cigarettiers] ont échoué à faire la démonstration d’erreurs de droit ou encore d’erreurs manifestes et déterminantes dans le jugement de la Cour supérieure, sauf sur certains points mineurs », a tranché la Cour d’appel.

C’est une grande victoire pour les victimes du tabagisme, mais j’ai un bémol, puisqu’il y a une certaine injustice attachée au délai. Beaucoup de gens ne sont plus là, sont décédés, et ce sont les successions qui vont recevoir les indemnisations.

Les fabricants Imperial Tobacco, JTI-MacDonald et Rothmans, Benson and Hedges avaient été condamnés en juin 2015 à indemniser à hauteur de 15 milliards près de 100 000 fumeurs et ex-fumeurs souffrant du cancer du poumon, du larynx ou de la gorge ainsi que ceux atteints d’emphysème. Avec les intérêts, la somme totale du dédommagement avoisinerait aujourd’hui les 17 milliards.

Il s’agit de la plus importante condamnation financière de l’histoire du pays, selon le Conseil québécois sur le tabac et la santé (CQTS). Il s’agit également d’un précédent mondial pour les dommages à la personne dans le cadre d’une action collective. « C’est la première action collective remportée par des victimes du tabac à l’échelle mondiale », a souligné Me André Lespérance, du cabinet Trudel Johnston Lespérance, qui mène ce combat juridique pour les victimes depuis les deux dernières décennies.

Les cinq juges de la Cour d’appel se sont ainsi rangés derrière les conclusions du juge Riordan. Ils soulignent dans leur décision que les géants du tabac avaient connaissance des conséquences du tabac sur la santé des fumeurs depuis les années 1950 et qu’ils ont failli à leur devoir de renseignement.

« On peut parler d’un comportement de mauvaise foi, résultant d’une dissimulation délibérée des effets de la cigarette sur la santé des usagers, puis d’une négation, d’une minimisation et d’une banalisation systématiques de ceux-ci fondées notamment sur l’idée savamment, mais artificiellement entretenue d’une controverse scientifique et sur la prétendue faiblesse des rapports entre cigarette et maladies ou dépendance, le tout enrobé d’une stratégie publicitaire trompeuse », peut-on lire dans le jugement-fleuve de 422 pages.

Adultes responsables

Encore vendredi, les fabricants ont soutenu que les fumeurs étaient informés des risques liés à la cigarette et responsables de leur consommation de tabac. « On est déçus de la décision qui a été rendue par la Cour d’appel. Les risques liés au tabagisme sont connus depuis des décennies au pays et les consommateurs adultes étaient au courant, et c’est pour ça qu’on ne devrait pas être tenus responsables », a commenté Éric Gagnon, porte-parole de Imperial Tobacco.

Le fabricant JTI-MacDonald a rappelé avoir toujours respecté les lois en vigueur. « Les autorités gouvernementales soumettent tous les aspects du commerce du tabac à une réglementation rigoureuse depuis des décennies. JTI-Macdonald se conforme à toutes les lois et à tous les règlements canadiens et québécois », a fait valoir l’entreprise dans une déclaration écrite.

D’ailleurs, la décision de la Cour d’appel ne tourne peut-être pas complètement la page de cette saga judiciaire, puisque les trois cigarettières pourraient se tourner vers la Cour suprême.

En fin de journée vendredi, Rothmans, Benson Hedges a confirmé dans un communiqué qu’il demandera la permission de faire appel afin que la Cour suprême du Canada examine les actions collectives du tabac au Québec.

Après vingt ans de combat, Mme Blais s’est dite prête à poursuivre la bataille au nom de son mari si nécessaire. « Si on va à la Cour suprême, j’irai, a-t-elle assuré. Les compagnies de tabac ont joué à la cachette avec les fumeurs. Elles ont menti. Elles ont incité les gens à fumer. »

Me Philippe Trudel, qui fait partie de l’équipe d’avocats liée au dossier, estime de son côté que le chapitre pourrait être clos. « On est extrêmement confiants. Ce sont cinq juges extrêmement respectés. C’est un banc extrêmement solide. C’est un jugement unanime. Je considère que c’est entièrement possible que la Cour suprême refuse de l’entendre », a-t-il expliqué.

Les avocats ont par ailleurs rappelé que les victimes peuvent encore s’inscrire à l’action collective. Les fumeurs ayant eu un cancer recevront une indemnité de 250 000 $, puis ceux atteints d’emphysème obtiendront 60 000 $.

Avec la collaboration de Magdaline Boutros

Deux décennies de procédures judiciaires

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https://www.ledevoir.com/societe/548974/les-cigarettiers-echouent-en-cour-d-appel

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