Les cosignataires d'une lettre ouverte publiée dans «La Presse» estiment que le projet de GNL Québec ne va pas contribuer à la réduction des émissions de gaz à effet de serre.
Photo : Radio-Canada / Mélissa Savoie-Souières
Dans une lettre ouverte publiée dans La Presse, un groupe d'une quarantaine d'économistes québécois dénonce le projet de GNL Québec, qui comprend la construction d'un gazoduc et d'une usine de liquéfaction de gaz naturel à Saguenay. Les signataires y déboulonnent certaines prétentions environnementales et économiques des promoteurs.
Un texte de Fannie Bussières McNicoll
Depuis le lancement de son projet, l'entreprise GNL Québec répète vouloir contribuer à la réduction des émissions de gaz à effet de serre. Le promoteur promet que le gaz transformé remplacera en grande partie des énergies plus polluantes comme le charbon. Selon les cosignataires de la lettre ouverte, cet argument ne tient toutefois pas la route.
Rien ne garantit que le gaz exporté ne vienne pas remplacer du gaz conventionnel, plus propre, ou même de l'électricité de source renouvelable.
L'économiste et professeur en sciences de l'environnement Éric Pineault précise la pensée du groupe en affirmant que le marché européen, qui doit servir de débouché au gaz transformé produit par Énergie Saguenay, n'agira pas nécessairement comme le prévoit GNL Québec.
La période où le charbon était remplacé par le gaz naturel tire à sa fin parce que les énergies renouvelables comme l'éolien et le solaire sont maintenant concurrentielles sur le plan des prix. Le gaz naturel ne va donc pas remplacer du charbon, mais va tout simplement amener plus d'énergie dans le marché et donc, plus d'émissions de gaz à effet de serre
, affirme-t-il.
Un éléphant blanc?
Éric Pineault a surtout peur que les débouchés promis ne soient pas au rendez-vous et que le complexe gazier se retrouve rapidement en situation de sous-utilisation.
Dans le fond, ma crainte la plus profonde, c'est que dans 10 ou 15 ans, ce projet-là devienne un éléphant blanc qui ne serve pas et qui aura défiguré une partie du fjord du Saguenay.
Voilà une analyse avec laquelle GNL Québec n'est pas en accord.
Selon des experts du Centre international de référence sur le cycle de vie des produits, procédés et services (CIRAIG), dans un contexte de transition énergétique, le gaz naturel ne se substitue pas aux énergies renouvelables existantes et joue un rôle de complémentarité dans la production énergétique des pays
, soutient Stéphanie Fortin, directrice principale aux affaires publiques pour GNL Québec.
Un projet irresponsable
L'économiste Éric Pineault est d'avis que de miser sur un projet qui viendrait freiner la transition vers des énergies vertes constitue un non-sens et que cela est irresponsable dans le contexte de la crise climatique actuelle.
Les projets d'hydrocarbures, on doit les arrêter. Ce n'est pas en augmentant l'offre de gaz naturel qu'on va faire une transition vers une économie qui ne dépend plus des énergies fossiles. Le gaz naturel, c'est une énergie fossile, il faut toujours s'en rappeler
, déclare Éric Pineault.
Il ajoute qu'il est fort probable que le gaz naturel qui sera transformé à l'usine de Saguenay sera issu de sources non conventionnelles, par exemple, extrait par le biais de la fracturation hydraulique.
Le bilan carbone de ce type de ressources est encore largement sujet à débat, mais il est déjà reconnu qu'un gaz naturel non conventionnel produit des émissions de gaz à effet de serre plus élevées qu'un gaz naturel conventionnel, précise-t-il.
De plus, le groupe d'économistes et de chercheurs en économie ajoute que la réalisation d'un tel projet pourrait venir rouvrir une boîte de Pandore au Québec.
Il existe un risque tangible qu'une fois Gazoduq construit, le tracé ainsi dégagé encourage la construction d'un oléoduc similaire à Énergie Est, un projet clairement rejeté par les Québécois
Le ministre de l'Environnement du Québec, Benoit Charette, n'a pas encore réagi au contenu de la lettre, mais il a répété récemment qu'il voulait attendre les conclusions du Bureau d'audiences publiques sur l'environnement avant de se prononcer sur l'ensemble de ce dossier.
Si les signataires ne sont pas aussi patients, c'est parce qu'ils jugent que le mandat du BAPE est trop étroit, donc incomplet.
Malheureusement, malgré des demandes formulées par certains d'entre nous, le ministre de l'Environnement Benoit Charette a choisi d'exclure du mandat du BAPE les impacts en amont et en aval sur le marché de l'énergie
, peut-on lire dans la lettre ouverte.
Contre-productif sur le plan de l'emploi
Un autre argument mis de l'avant par ceux qui s'opposent au projet de GNL Québec est de nature économique.
Selon le titulaire de la Chaire de recherche du Canada en économie écologique, Jérôme Dupras, la création de 6000 emplois pendant la construction du complexe gazier et de 1100 autres sur le long terme entraînera une surabondance d'emplois qui sera contre-productive.
De miser sur l'argument de la création de nouveaux emplois dans une telle période, ce n'est pas tout à fait pertinent. Il s'agit d'un projet qui va aggraver la situation de pénurie de main-d'oeuvre plutôt que de la régler.
Éric Pineault abonde dans le même sens : C'est déjà une situation difficile au Saguenay. GNL Québec va s'installer et embaucher des gens pour ce projet. Ils vont venir d'où ces gens-là? Soit on va les voler aux autres entreprises comme Résolu, soit on va faire temporairement venir des travailleurs de l'Ouest canadien
.
GNL Québec maintient que le projet est une chance unique de développement d'expertise et de diversification économique pour le Saguenay-Lac-Saint-Jean.
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