La branche est de la ligne orange du métro est souvent surchargée à l'heure de pointe.
Photo : Radio-Canada
Les autorités ont lancé les travaux du Réseau express métropolitain (REM) sans connaître les conséquences qu'aura l'arrivée du nouveau train sur l'achalandage du métro. Pourtant, selon des experts indépendants consultés par Radio-Canada, la ligne orange, déjà bondée, risque de subir une hausse du nombre d'usagers à moyen terme.
Le 11 janvier 2019, alors qu'il donne une entrevue au sujet de la ligne orange, surchargée à l'heure de pointe, le président de la Société de transport de Montréal (STM) Philippe Schnobb évoque l'avenir de l'achalandage du métro :
Le REM aura un impact. Sera-t-il positif ou négatif? Ça reste à voir.
Ces propos sont révélateurs. Même le président de la STM ignore les conséquences de l'arrivée du REM sur l'affluence dans le métro.
En fait, la STM possède des évaluations, mais inachevées. Pendant ce temps, les plans du REM, eux, sont bel et bien terminés et le nouveau train roulera dès 2021.
Malheureusement, la société de transport refuse de rendre publics les documents qu'elle possède.
« Nous ne pouvons répondre favorablement à votre demande puisqu'il s'agit d'esquisses et ébauches préliminaires », répond la STM à notre demande d'accès aux documents.
L'Agence régionale de transport métropolitain (ARTM) qui planifie les services de transports, rejette elle-aussi notre demande d’accès aux évaluations, en invoquant, entre autres, le fait qu'il s'agit de brouillons.
« Nous travaillons à estimer l’impact du REM sur l’achalandage du réseau métropolitain, notamment sur la ligne orange, explique la porte-parole de l'ARTM, Fanie St-Pierre. Pour l’instant, il est un peu tôt pour donner des chiffres précis. »
Là aussi, le travail n'est pas terminé, alors que les travaux du REM ont débuté.
De quoi étonner l'ancienne PDG de la défunte Agence métropolitaine de transport (AMT), Florence Junca-Adenot.
C'était avant de prendre la décision [de construire le REM] qu'il fallait faire ça.
Le consultant en planification des transports et chargé de cours à l'Université de Montréal, Pierre Barrieau, émet aussi de sérieux bémols. « Ça pose des questions. Est-ce que les stations du métro vont être capables de répondre à la demande? »
On dirait qu'on est dans le noir, on marche et on ne sait pas trop où on s'en va.
Un secret industriel?
Le ministère des Transports du Québec confirme être en possession d'un document d'évaluation, mais nous en refuse à son tour l'accès. Le ministère invoque, entre autres, un article de loi relatif au « secret industriel ».
« On doit savoir quel est l'achalandage. Ce n'est pas un secret industriel », s'offusque Florence Junca-Adenot.
Les citoyens sont en droit de savoir si ça va avoir un impact sur leur confort et les services qu’ils ont déjà.
« Plus d'opacité, moins de transparence », regrette pour sa part François Pepin, président de Trajectoire Québec et spécialiste en planification et développement du transport collectif.
Après, on peut comprendre que les gens se mettent à douter des décisions de ces instances-là.
« Les gens aiment avoir le portrait d'avance, rappelle François Pepin, parce que ça a des impacts sur leurs emplois, sur leur choix d'école, sur leur lieu de domicile. »
La Caisse reste vague
Ultime tentative d'en savoir plus auprès du promoteur du REM, la Caisse de dépôt et placement du Québec. Mais CDPQ Infra nous renvoie vers la STM et l'ARTM. Retour à la case départ.
Nous avons toutefois trouvé une bribe d'information dans un document de la Caisse daté de 2017. CDPQ anticipe que 10 % des usagers de la ligne orange devraient transférer vers le REM. À l'est? À l'ouest? À court terme? À long terme? Rien ne le précise.
En fait, selon des experts indépendants que nous avons consultés, le répit sera de très courte durée sur la ligne orange.
« À court terme, le REM va désengorger la ligne orange, anticipe Pierre Barrieau. Ça va durer deux ans, trois ans. Cinq ans, si on est chanceux. Mais ensuite, on va rapidement retourner à la situation actuelle. Puis ça va empirer et dégénérer. »
REM ou pas REM, le problème existe déjà. Ce que le REM peut faire, c'est l'accentuer. [...] Le public devrait minimalement être averti.
Selon François Pepin, des résidents des secteurs d'Ahuntsic et Villeray pourraient être tentés de prendre la direction du REM plutôt que la ligne orange pour se rendre au centre-ville. D'un autre côté, le fait d'imposer une correspondance aux utilisateurs du train de Mascouche pourrait notamment rabattre certains usagers vers la ligne orange et l'engorger encore plus à partir de la station Sauvé.
La hausse de l'achalandage global sous-estimée?
CDPQ Infra anticipe que l'arrivée de son train provoquera une croissance du nombre d'utilisateurs sur l'ensemble des réseaux de transport de 33 % en 2021, par rapport aux données de 2015.
Mais selon le consultant en planification des transports Pierre Barrieau, les prévisions sont prudentes et « beaucoup plus basses que ce qui va s'avérer sur le terrain ».
« Le développement immobilier autour des stations a été complètement ignoré » dans l'évaluation, explique-t-il. Or, la création de nouveaux quartiers autour des stations du REM va nécessairement ajouter des usagers dans le réseau.
« Il va y avoir du trafic induit qui n'est pas pris en compte », ajoute M. Barrieau. C'est-à-dire que la présence du REM va « devenir soudainement une force d’attraction qui va amener plus de gens dans le réseau de transport ». C'est le même principe pour un élargissement d'autoroute qui entraîne une hausse du nombre d'automobilistes.
Il prend l'exemple de l'extension de la ligne orange du métro à Laval. L’achalandage des trois stations a plus que doublé depuis leur mise en service, en 2007.
Selon Pierre Barrieau, « il faudrait construire l'équivalent d'un REM tous les cinq ans » pour répondre à la croissance de l'achalandage et rattraper le manque d'investissement passé.
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