
L’Isle-aux-Grues sera complètement dépourvue de premiers soins jusqu’à dimanche, alors que le départ de son seul infirmier n’a pas été comblé par le CSSS. Une situation « très inquiétante », selon le maire qui redoute que cette découverture soit le prélude de la fin d’un service essentiel pour les résidents insulaires.
La municipalité de Saint-Antoine-de-l’Isle-aux-Grues, dont fait partie l’île du même nom, mise sur un infirmier de façon permanente. Il constitue la seule ressource médicale de l’archipel pour des premiers soins d’urgence, lui qui est sur appel 24 heures sur 24, sept jours sur sept.
Mais voilà que cette maigre ressource, un luxe nécessaire pour les quelque 160 résidents, s’effrite aux yeux du maire Pierre Gariépy.
Depuis la mi-juillet, les départs de l’infirmier de l’île, en poste depuis 17 ans, n’ont pas été comblés par le CSSS de Montmagny-L’Islet quand le professionnel de la santé a dû s’absenter les week-ends du 20 juillet et du 3 août. Aucune relève n’a été prévue pendant ses vacances d’hier jusqu’au 18 août, soit la plus longue découverture que l’île ait connue récemment.
« Habituellement, quand l’infirmier part, un autre rentre aussitôt », fait remarquer le maire Gariépy, se référant à une pratique qui dure depuis « des dizaines d’années ».
Moment charnière
Cette nouvelle absence de premiers soins survient alors que la saison touristique bat son plein dans l’archipel. À son plus fort, la population de l’île double pratiquement.
Des dizaines de cyclistes se rendent quotidiennement sur les routes de L’Isle-aux-Grues et un tournoi de tirs au pigeon d’argile se tient le week-end prochain, ce qui devrait amener environ 80 tireurs et leurs armes à feu. « Il n’est jamais rien arrivé [au tournoi], mais une série de malchances, ça me fait peur. [...] À chaque découverture, il y a quelque chose qui arrive », prévient M. Gariépy qui évoque un épisode où trois personnes ont été frappées d’un coup de chaleur lors du week-end de découverture en juillet.
Si un incident grave survient, l’infirmier en poste peut prodiguer les premiers soins et coordonner une évacuation d’urgence, de sorte que le patient est acheminé en environ 30 minutes dans un centre hospitalier, selon le maire. Sans sa présence sur l’île, une pareille opération peut prendre presque jusqu’à deux heures, ajoute-t-il.
Ces découvertures sporadiques ne sont pas près de finir, craint le maire Pierre Gariépy. Déjà, le CSSS lui a indiqué qu’aucune relève ne serait affectée à L’Isle-aux-Grues pendant le week-end de la fête du Travail, en raison d’un « grave manque de personnel ». De l’avis de M. Gariépy, l’avenir des premiers soins aux résidents insulaires apparaît nébuleux. L’infirmier de l’île, à qui il resterait sept ans avant d’atteindre la retraite, devra éventuellement être remplacé. Pendant ce temps, la population de L’Isle-aux-Grues est en constante augmentation depuis trois ans.
« C’est un autre service qui menace d’être coupé, s’alarme l’élu. On ne veut pas en avoir plus. On veut juste garder ce qu’on a toujours eu. »
Personne au CSSS de Montmagny-L’Islet n’était disponible hier pour répondre aux questions du Journal.
Une pénurie qui a le dos large, dit le syndicat
La pénurie de main-d’œuvre a le dos large pour expliquer la découverture médicale à L’Isle-aux-Grues, selon un président syndical, qui accuse le CSSS d’avoir lésiné pour trouver un remplaçant à l’infirmier en vacances.
« On est encore abasourdi parce que l’employeur met toujours ça sur le dos de la pénurie », lance sans détour Laurier Ouellet, président du Syndicat des professionnels de la santé de Chaudière-Appalaches.
« Ce n’est pas la pénurie. L’infirmier a avisé il y a plusieurs mois qu’il allait prendre des vacances, enchaîne-t-il. Il y a des gens qui sont disponibles dans les CLSC ou dans les urgences, à Lévis ou Montmagny. Malgré la convention collective, on aurait accepté. C’est sûr qu’on ne laissera jamais une population sans soins médicaux. »
La situation est apparue tellement insensée aux yeux du conseil municipal de Saint-Antoine-de-l’Isle-aux-Grues qu’une lettre a été adressée au CSSS pour presser les gestionnaires de démêler l’imbroglio.
La missive n’a rapporté aucun dividende à court terme, tout comme des plaintes qui ont été faites auprès de l’Ordre des infirmières et infirmiers du Québec ainsi qu’au Protecteur du citoyen.
« On dirait qu’il n’y a personne d’imputable », peste Laurier Ouellet.
« Ça prend un infirmier pour donner des premiers soins, par exemple si quelqu’un fait une crise cardiaque. [Présentement], la personne est laissée à elle-même. Personne ne peut venir en aide ou lui faire un massage cardiaque. Il y a des risques de décès », alerte-t-il.
Tout comme le maire de la municipalité, le président du syndicat tire la sonnette d’alarme pour conserver une présence médicale permanente dans l’archipel.
« C’est toujours une question de sous, regrette Laurier Ouellet. Ça commence avec une découverture d’une journée. Après c’est une semaine, après c’est un mois. J’ai peur qu’ils veuillent mettre fin au service. »
L’OIIQ n’était pas en mesure de répondre aux questions du Journal hier soir.
https://www.journaldequebec.com/2019/08/12/des-insulaires-prives-de-soins
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