« Ils nous ont invités à venir au centre de communication pour une réunion importante. Nous ne nous doutions de rien puisqu’il n’y avait eu aucune fuite, rien de rien… Et là, ils nous ont dit que l’usine était mise en vente. Ils ont projeté deux diapos, et puis terminé ! » C’était le 3 juillet dernier. Mario Mutzette, délégué syndical CFE-CGC du site Smart d’Hambach (Moselle), est encore sonné. Depuis, un repreneur potentiel s’est manifesté auprès de Daimler-Mercedes. Le britannique Ineos aimerait pouvoir racheter l’usine d’Hambach pour y construire le Grenadier, un 4 x 4 pour baroudeurs qui sera équipé d’un bon vieux moteur thermique six cylindres de chez BMW… Autant le dire tout de suite : ça ne fait pas franchement rêver les 1 600 salariés de Smart, lesquels étaient devenus des spécialistes des véhicules électriques. « Il y a quatre mois, à écouter Daimler, nous avions la meilleure usine du monde !, se souvient M. Mutzette, qui travaille chez Smart depuis 23 ans. Aujourd’hui, on a la rage. Et on se battra jusqu’au bout pour nos emplois. »
Les luttes, les Mosellans connaissent bien. Depuis le siècle dernier, ils ont pris l’habitude de « descendre à Metz » ou de « monter à Paris » pour protester contre les décisions qui ont déshabillé le département. Il y a eu la fermeture des mines, la transformation de la sidérurgie, la perte des emplois militaires… Si la crise due au Covid-19 faisait tomber l’industrie automobile, qui représente 21 000 emplois dans le département, ce serait un nouveau drame. « Smart est une usine qui a vu le jour dans le cadre de la reconversion industrielle de l’Est mosellan, rappelle Jacques Maréchal, président de l’Union CGT de Moselle. Ces emplois devaient donner des perspectives à une région frappée par la fermeture des mines. Plus qu’un choix industriel ou économique, c’était d’abord une implantation politique. Elle a d’ailleurs été soutenue à grands coups de financements publics, du district de Sarreguemines jusqu’à des fonds européens. » Une entreprise qui met les voiles après avoir touché un maximum de subventions ? Les Mosellans ont déjà vu ce mauvais film. Daewoo leur avait fait le coup, juste à côté, dans le Pays-Haut meurthe-et-mosellan, au début des années 2000.
Une double peine
Depuis, ils n’ont plus confiance en personne. Ni en la parole des grands groupes industriels, ni en celle de l’Etat. Ils n’ont pas oublié le voyage de noces de Nicolas Sarkozy à Gandrange, en février 2008. Au lendemain de son mariage avec Carla Bruni, il avait promis de financer les investissements nécessaires au sauvetage de l’aciérie électrique d’ArcelorMittal. Douze ans plus tard, l’énorme monstre d’acier n’a pas repris vie. Pas oubliée, non plus, la « promesse de l’estafette » du candidat Hollande, en 2012, devant les hauts-fourneaux de Florange. Ceux-ci n’ont jamais redémarré non plus. Les Mosellans ont compris que les décisions concernant l’avenir industriel du département ne se prenaient pas à l’Elysée, mais plutôt dans le bureau londonien de Lakshmi Mittal… « L’éloignement des centres de décisions a toujours été le talon d’Achille de l’industrie de ce département », résume Thierry Jean, patron de Preci 3D, une PME spécialisée dans l’usinage de précision.
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July 20, 2020 at 03:57PM
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Vente de l'usine Smart : la Moselle industrielle n'a plus confiance en personne - Le Monde
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